Léna est née dans le Grand Nord sibérien. Elle aime plus que tout la brume, la neige, l’attente et l’immobilité, qui n’ont ni couleurs ni frontières. Son mari Vassia, pilote dans l’armée de l’air, n’a qu’un rêve : poursuivre la grande épopée soviétique de l’espace dont Gagarine fut le héros et qui reste l’immense fierté du peuple russe. Comment acclimater leur nature profonde, leurs sentiments et leur vision du monde si différents en ces temps incertains de la perestroïka qui voit s’effondrer leur univers ?
Léna est le premier roman de Virginie Deloffre. Et j’espère vraiment que ce ne sera pas le dernier car j’ai beaucoup apprécié ce livre. C’est évidemment Léna qui m’a plu d’emblée. Cette jeune femme passive qui attend que son homme, pilote de l’arme de l’air ait sa prochaine permission. C’est une femme qui aime le quotidien. Elle ne désire pas en savoir plus sur la carrière de son mari. Tout ce qu’elle désire est que sa routine ne soit pas modifiée. Attendre Vassia, profiter de lui à son retour, l’attendre à nouveau…
Le style de Virginie Deloffre est très poétique. Le roman alterne entre récit classique et épistolaire. Et ce sont les pensées de Léna qui sont les plus agréables à lire. Cette jeune femme ancrée dans sa petite vie au Nord de la Sibérie pousse la réflexion sur des sujets profonds comme l’évolution de la Russie ou la conquête spatiale.
La fin m’a un brin déçue car on suit plus Vassia que Léna. J’ai même eu l’impression de lire 2 livres au lieu d’un seul tellement ces deux êtres semblent différents. Oui dommage qu’on s’éloigne ainsi du propos principal de ce livre.
Mais pour un premier roman, franchement, je suis bluffée. Je vais garder cet auteur à l’oeil désormais !
Quelques extraits pour terminer :
J’ai compris que le fruit qu’avaient mangé Adam et Eve venait de l’Arbre de la Connaissance. Oh j’ai bien retenu. Alors j’ai choisi l’ignorance et je pensais que moi, protégée par elle, je pourrais rester toujours dans le jardin d’Eden.
Elle découvrait que la caractéristique principale des familles heureuses, c’est un égoïsme féroce, une indifférence têtue à tout ce qui n’est pas leur bonheur.
Mais c’est défendu. L’homme est enchaîné à notre Mère la Terre humide, comme nous l’appelons en russe. Elle le serre, elle le tient plaqué contre elle par une force invisible. Celui qui s’en arrache pour aller contempler sa beauté nue est un banni. Il reviendra de ce voyage avec des yeux éteints, brûlés par les couleurs qui n’existent que là-haut et les seize couchers de soleil par jour. Il errera parmi nous habité de visions inaccessibles, avec un coeur mort que la nostalgie a empoisonné pour toujours. C’est ainsi que la Terre punit ceux qui échappent à son étreinte.
Escale 16/+75 : Grand nord sibérien, Russie